Les esprits chagrins diront que le fait n’est pas nouveau, qu’il semble congénital à l’être humain d’éprouver cette sorte de profonde mélancolie (voire de « nausée », selon Sartre) devant l’absurdité de l’existence, et qu’il ne lui reste par conséquent qu’à vivre avec, le moins lâchement possible.
Mais à nous, chrétiens, un tout autre programme est fixé par le premier des papes :
« soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 15). Pour notre bien propre d’abord, et pour ceux auprès desquels nous sommes envoyés. Car c’est bien d’espérance que vit le chrétien et dont manque l’occidental contemporain.
C’est que l’espérance chrétienne est mal comprise, et partant mal aimée. Une catéchèse abstraite à force de froides définitions n’y est pas pour rien, qui l’a parfois rendue inaccessible. Tout comme une certaine prédication, modelée sur Polnareff et son fameux slogan « on ira tous au paradis », a sapé la raison d’être de l’espérance. Est-ce pourtant ainsi qu’il convient de traiter la « petite fille espérance », dont Charles Péguy dévoile l’inattendue noblesse en un poème mémorable, Le porche du mystère de la deuxième vertu (1912) ? Dans ce texte, Dieu lui-même se dit étonné par la puissance de l’espérance, en laquelle il admire l’un des plus beaux fruits de sa grâce. Ceux qui cherchent en l’espérance un bain tiède où se glisser, pour éviter froideurs et brûlures de l’existence, font fausse route. L’espérance n’est pas de ces consolations factices et bon marché, qui finalement ne trompent personne. Elle n’est pas cet opium qui procure un vain sursis. Bien au contraire, c’est une eau forte (l’eau de vie !) qui galvanise le désir d’infini lové au coeur de l’homme. Son feu suscite tout à la fois en celui-ci saine inquiétude (celle qu’entretient le Baptiste) et apaisement (celle dont témoigne la Vierge Marie), le rendant apte à affronter avec réalisme et souplesse ce que l’existence implique de combat.
Quel moment plus opportun que celui de l’Avent pour considérer à frais nouveaux le thème de l’espérance ? Rien de tel, semble-t-il, pour revigorer l’attente du Christ Jésus qui doit y prévaloir, en dépit des soucis quotidiens et au sein d’un monde triste de ne plus savoir espérer. D’où la conférence qui vous est proposée mercredi prochain, 18 décembre, à Stella Matutina. Qu’on me permette ici de corriger l’intitulé qui en a été, par ma faute, hâtivement donné : il ne s’agira pas de « L’espérance pour les nuls », mais plutôt de « L’espérance, kit de survie pour notre temps ».
Père Vincent Baumann